Parlons maths...

Cinq mois après l'ouverture de ce blog je me décide enfin à l'alimenter. Et rien de tel pour fédérer un public fidèle qu'un sujet comme les mathématiques, ma grande passion avec la politique. Ce dont je veux vous entretenir aujourd'hui, ce sont quelques travaux que j'ai mené au sujet des primitives successives de ln (logarithme népérien). Tout un programme.

ln, l'air de rien
Rappel des faits : je ne vous apprendrai rien en vous disant que le logarithme népérien (ou naturel, je ne vous en tiendrai pas rigueur) est une fonction pouvant être définie comme la primitive de la fonction inverse s'annulant en 1 ou comme la bijection réciproque de la fonction exponentielle. Mine de rien, ça en jette.
Si les dérivées successives de ln sont facilement calculables grâce à la formule :


il n'en est rien si l'on s'aventure du côté des primitives de ln. En effet, il faut alors se frayer un chemin dans la jungle des intégrations par partie, de quoi donner des sueurs froides à tout lycéen une veille de bac. Voyez plutôt comment se calcule la première primitive de ln :


Oui, mais après ? Telle est la question que je me suis posée. La méthode générale était donnée, ne manquait plus que le courage. Il se trouve que je n'en manquait pas. Allons-y donc gaiement.

Pour commencer, il m'est apparu que systématiquement la n-ième primitive de ln est de la forme :

avec a et b réels et Pdésignant la n-ième primitive (c'est une notation personnelle, pas de moqueries). Montrons-le incessamment par récurrence.
Tout d'abord, on l'a vu précédemment, l'hypothèse est vérifiée pour n=0 et n=1, avec (a ; b) = (1 ; 0) et (a ; b) = (1 ; -1).
Voyons à présent pour un certain rang n. La récurrence donne :


Non seulement nous avons montré la constance dans la forme qu'emprunte les primitives de ln, mais nous avons aussi déterminé la formule de récurrence permettant d'obtenir les valeurs que prennent les variables a et b. Ces deux variables peuvent ainsi être définies grâce à deux suites (an) et (bn) définies par a0 = 1, b0 = 0 et :



Après avoir fait tourné tout ça dans un bête tableur, j'ai abouti aux valeurs suivantes :


où l'on voit que les deux suites (an) et (bn) convergent toutes deux vers 0. J'ai demandé à l'ami WolframAlpha de me donner des valeurs sous forme fractionnaire, quand ce con m'a fait remarquer que...


et...


avec Hla série harmonique définie par :


Si l'expression de (an) se justifie facilement, je vous avouerai ne pas avoir fait d'effort de démonstration pour celle de (bn) et que je fais aveuglément confiance (à tort) à WolframAlpha (EDIT : retrouvez les démonstrations en fin d'article). Quoi qu'il en soit, nous avons ainsi la formule générale pour la n-ième primitive du logarithme népérien :



Vous noterez que j'ai exclu le cas n=0 de la formule, simplement parce que ça coincerait au niveau du Hn. Après, libre à nous de poser H= 0 mais je refuse de prendre cette responsabilité (même si une rapide recherche me fait savoir que ce n'est pas aberrant).

Voilà, je reconnais que je ne m'attendais pas à finir avec une formule utilisant autre chose que les suites définies par récurrence présentées plus haut, mais pour le coup WolframAlpha m'a donné un sacré coup de pouce. Je vous fait remarquer que je ne me suis embarrassé ici des constantes pourtant propres à toute primitive. Je trouvais qu'elles n'apportaient rien à la réflexion. Néanmoins, s'il est des puristes parmi vous, voici la formule en considérant n constantes αk successivement choisies à chaque k-ième étape d'intégration :



Rien de bien transcendant, donc. Pour finir, je vous propose les représentations graphiques des cinq premières primitives du logarithme népérien, en HD :


Tout ceci étant dit, merci d'avoir tenu jusqu'ici. Cette étude a été mené avec l'appui de Geogebra, WolframAlpha et le tableur de Google Docs. Big up également à ce site qui m'a aidé à vous pondre de jolies formules pas trop dégueulasses et plus que tout à papier/crayon, les meilleurs amis du mathématicien. L'idée de cette recherche m'est venu en lisant le blog de El Jj, "Choux romanesco, Vache qui rit et intégrales curvilignes", un blog de maths fort intéressant que je vous recommande.

Allez, à la prochaine :)

- EDIT 1 : démonstration des expressions de (an) et (bn) -
Je me suis sorti les doigts de là où il faut pas et je me suis décidé à démontrer les expressions de (an) et (bn). Comme on peut s'en douter, nous allons user de récurrence. Allons y gaiement.

an est définie comme l'inverse de la factorielle. C'est vérifié pour n=0 : a0 = 1/0! = 1. Voyons la récurrence :


C'est bon. Pour (bn), je renforcerai mon initialisation en vérifiant également pour n=1, cette histoire de série harmonique mal définie risquant de tout foutre en l'air. b0 = -H0/0! = 0 et b1 = -H1/1! = -1. Tout va bien. La récurrence fonctionne tout aussi parfaitement :


C'était simple, en fait :)

- EDIT 2 : généralisation aux dérivées -
Le sujet ne finit pas de m'inspirer, et une idée m'est venue : en allant voir du côté des n négatifs, pourrait-on retrouver les dérivées de ln ? Concrètement, dans l'hypothèse où P-1(ln) existerait, retrouverait-on 1/x ? La réponse est "presque", mais je vous préviens c'est pas beau à voir...
Pour évaluer P-1(ln), il nous faut calculer des trucs comme (-1)! ou H-1. Autant vous dire que ce n'est pas gagné, mais en maths, rien n'est impossible. Voyons cela. La fonction factorielle peut se définir ainsi par récurrence :

D'où l'on peut conclure (très prudemment) que (-1)! = 1/0... C'est affreux, je suis d'accord. Pour faire bonne figure, notons X = 1/0 (je vous jure, j'ai honte). Ainsi, nous avons (-1)! = X et 1/X = 0. De même, la série harmonique peut se définir par récurrence :


On en tire, là aussi avec tout le recul nécessaire, que H-1= 0 - 1/0 = -X (avec H0 = 0, ce qui est conforme à la récurrence que nous avons posé). Je vous préviens, tout ce que je fais ici est très moche et indigne d'un scientifique rigoureux qui se respecte (je vous ai dit que j'étais en Maths Spé ?) mais j'assume ces initiatives. Attention, ne refaites pas ça à la maison.
Du coup, en repartant de la formule générale, on trouve :


...ce qui est bien la première dérivée de ln(x). On l'a obtenu au prix de moult efforts et négligence mais on l'a eu. Je suppose que ce que j'ai fait correspond à un calcul de limites qui aurait pu être mieux mené mais le résultat est là. Je n'irai pas plus loin en regardant les autres dérivées, j'ai déjà fait suffisamment de mal à la science :)

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